Des noms-du-père, Jacques Lacan, 2005

DES NOMS-DU-PÈRE

Le Nom-du-Père, quel succès ! Cela parle à tout le monde. La paternité n’a que peu d’évidence naturelle, c’est d’abord un fait de culture. « Le Nom-du-Père, dit Lacan, crée la fonction du père. » Mais alors, ce pluriel, d’où vient-il ?
Il n’est pas païen, il est dans la Bible. Celui qui parle dans le buisson ardent dit de lui-même qu’Il n’a pas qu’un seul Nom. Entendons : le Père n’a pas de Nom propre. Ce n’est pas une figure, c’est une fonction. Le Père a autant de Noms qu’elle a de supports.
Sa fonction ? La fonction religieuse par excellence, celle de lier. Quoi ? Le signifiant et le signifié, la Loi et le désir, la pensée et le corps. Bref, le symbolique et l’imaginaire. Seulement, si ces deux se nouent à trois avec le réel, le Nom-du-Père n’est plus qu’un semblant. En revanche, si sans lui tout se défait, il est le symptôme du noeud raté.

Jacques-Alain Miller

Edition Seuil Sciences Humaines, 2005